Molenbeek-Saint-Jean et Mokrisset : autonomisation des femmes à travers plusieurs projets

La commune de Molenbeek-Saint-Jean est très active dans le domaine de la coopération internationale. Cela fait en effet de nombreuses années qu’elle est investie dans différents partenariats, notamment avec Mokrisset, située au Maroc. C’est en 2011 que la collaboration entre ces deux communes a débuté. Depuis de nombreux projets ont vu le jour, portés par l’Echevinat des relations internationales de la commune de Molenbeek-Saint-Jean. Nous pouvons citer par l’exemple l’ouverture d’une maison de l’artisanat en 2017 et la mise en place du projet « mini-entreprises » visant à autonomiser les femmes de Mokrisset.

La commune de Mokrisset est localisée dans une zone rurale des montagnes du Maroc, ce qui la rend peu connue du grand public. C’est à cet endroit que Molenbeek-Saint-Jean a choisi d’établir un partenariat pour un projet de 2011 à 2017, puis de 2022 à 2026 dans le cadre du programme CIC (Coopération Internationale Communale) avec Brulocalis. Les femmes, les jeunes et les enfants étaient particulièrement ciblé·es durant cette période. Afin de mettre en place des projets qui ont du sens pour les habitants·es, plusieurs réunions ont été organisées pour bien comprendre ce que chacun·e souhaitait. Il est ressorti que les femmes voulaient principalement se professionnaliser dans la couture. « A partir de 2011, les femmes ont pu bénéficier de formations professionnelles en couture. Quand on parle de couture, c’est vraiment vaste, ça peut être de la broderie, comme du crochet par exemple. Le but final, c'est justement qu'elles puissent travailler de manière indépendante. Il y a aussi eu d’autres formations, comme celle pour former des groupements de coopérative. Ce n’est plus juste la couture comme hobby », expliquent Yousra Harigua et Yasmina Hosni du service des Relations Internationales de Molenbeek-Saint-Jean.

Une maison de l’artisanat

En 2017, un nouveau programme d’une durée de 5 ans est établi entre les deux communes. Si le projet précédent se concentrait davantage sur la formation professionnelle des femmes à la couture, afin qu’elles puissent en faire un métier et percevoir un salaire, le nouveau projet va encore plus loin. En effet, en 2017, une maison de l'artisanat voit le jour. « Dans cette maison de l’artisanat, il y a un vrai équipement professionnel. Les femmes ont été formées pour pouvoir utiliser ces équipements parce qu’il ne fallait pas simplement les déposer et les laisser commencer à travailler. C’était important qu’elles apprennent à les utiliser », détaillent Yousra Harigua et  Yasmina Hosni.

La localisation de la commune de Mokrisset étant assez décentralisée, cela poussait à réfléchir sur la manière dont les femmes allaient pouvoir vendre leurs tissus. « Mokrisset, ça ne fait pas parties des grandes villes que tout le monde connait. C’est une commune rurale qui se trouve dans les montagnes, et ça posait vraiment problème. C’est assez difficile d’y accéder, il faut des heures et des heures. C’est pour cela qu’on a commencé à réfléchir à ce qu’on pouvait faire pour que ces femmes puissent vendre leurs tissus parce c’était cela le but final et qu’elles s’autonomisent », clarifient Yousra Harigua et  Yasmina Hosni.

Le projet a encore bien évolué puisqu’il y a aujourd’hui deux grandes coopératives de femmes qui sont actives dans la commune marocaine.

 

Les mini-entreprises

C’est pour répondre à cette problématique que le projet mini-entreprises est né. « Avant d'arriver vraiment aux mini-entreprises, il faut savoir que l’équipe du service d’action sociale de Mokrisset est venue à Molenbeek-Saint-Jean en mission de travail en 2019, et elle a ainsi eu l'occasion de visiter la Maison des Femmes, et rencontré la directrice Noura Amer. Précisément, dans la Maison des Femmes, il y a un groupement de plusieurs activités, dont l’une d’elle est justement un atelier couture. Après cette mission, la décision de faire un projet commun a été prise », racontent Yousra Harigua et Yasmina Hosni.

C’est à partir de là que le partenariat entre la Maison des Femmes de Move asbl et la Maison d'Artisanat des Femmes à Mokrisset a débuté. Les communes ont réussi à mettre en place un projet social : les femmes de Mokrisset apportaient leurs tissus qu'elles avaient fait à la main aux femmes de la Maison des femmes à Molenbeek-Saint-Jean moyennant un paiement. Cela a permis aux femmes de la commune marocaine d’avoir une première clientèle. « Dans ce projet-là, on a fait une exposition sur l’évolution du caftan marocain en reprenant des tissus. Donc en fait, les femmes de Mokrisset vendaient leurs tissus et les femmes de la maison des femmes créaient les Caftans marocains avec les tissus de Mokrisset », détaillent Yousra Harigua et  Yasmina Hosni.

Le projet a malheureusement dû être mis à l’arrêt à cause de la pandémie de la Covid. Quand les activités ont pu recommencer, les communes ont entamé un processus de réflexion sur la possibilité de mettre en place de nouvelles initiatives. C’est à ce moment que le projet socio-économique des mini-entreprises a vu le jour. L’idée ici est de garder les deux premiers acteurs que sont les deux institutions féminines et d’en ajouter un troisième qui sont les jeunes. « Ce projet reprend toujours les femmes de manière globale, et les femmes de la maison des femmes à Molenbeek sont en partenariat avec des jeunes de 6e secondaire qui sont en orientation vente à Toots Thielemans, école située à  Molenbeek. On leur a donné l'opportunité de créer des mini-entreprises, et, cela consistait en la création d’habits, d’accessoires etc. Ils créent des croquis et les femmes de la maison des femmes vont coudre ces croquis en utilisant …les tissus des femmes du Maroc », expliquent Yousra Harigua Yasmina Hosni.

Le processus ne s’arrête pas là. Par la suite, les jeunes vont vendre les prototypes des tissus réalisés avec tous les enjeux que cela implique.

Sensibilisation au commerce équitable

Lorsque les jeunes de 6ème secondaire sont passé·es à la dernière étape qui consistait en la vente des produits finis, ils et elles ont été confronté·es à la question du prix. La fast-fashion et le drop shipping ayant pris une grande place dans le marché vestimentaire, il est difficile de se rendre compte du prix éthique. « On a sensibilisé les jeunes et ils et elles se sont rendu•es compte du temps de travail énorme que ça avait demandé. Ça prend du temps, parce que c’est un tissu qui a été fait de A à Z, qui a demandé beaucoup de travail. Et par la suite, eux, ne voulaient pas juste vendre les tissus, les jeunes voulaient vendre des produits finis comme des sacs et des ceintures », clarifient Yousra Harigua et  Yasmina Hosni.

Le but de ce projet était de valoriser le travail fait par les femmes à Mokrisset, c’était donc primordial pour la commune de Molenbeek que les jeunes comprennent que dans le commerce équitable, tous les coûts doivent être pris en compte. De plus, les produits ont été pensé de manière complètement transparente. « On voulait vraiment faire des produits éthiques, puisque tout aura été fait dans un milieu de travail décent à Mokrisset et à Molenbeek. Il faudra vraiment noter que ce sera aussi un produit transparent, puisque tout le monde saura d’où viennent les tissus. Cela permettra aussi aux acheteur·euses de connaître l’endroit de fabrication des tissus et donc par la suite de les laisser passer commande directement auprès des femmes de Mokrisset. De cette manière, on essaye de faire en sorte qu'elles aient une première clientèle, qu'elles aient un réseau de personnes vers qui les client·es potentiel·les  voudraient acheter ce type de tissu pour les rendre les plus autonomes possible », complètent Yousra Harigua et Yasmina Hosni.

La question du prix n’a pas été abordée directement entre les jeunes et les femmes de la maison des femmes à Molenbeek. Les discussions se sont plutôt orientées vers les prototypes que chacun·e voulaient. C’est au fur et à mesure des échanges que les jeunes se sont rendu•es compte que coudre un pantalon et une ceinture ne demandait pas le même temps de travail, et que donc le prix allait en être impacté. La commune de Molenbeek-Saint-Jean n’a pas eu besoin de mettre en place des ateliers de sensibilisation sur ce sujet en particulier. Tout s’est fait de manière naturelle, la sensibilisation, compréhension et apprentissage ont découlé du processus. « Les jeunes se sont rendu compte que le vêtement qu’ils et elles achètent dans des enseignes de fast-fashion n’était pas éthique. La confection de produits de ce genre coûte plus cher avec les tissus et la main d’œuvre éthique. Ils et elles ne s’attendaient pas à cela parce qu’ils et elles devaient faire un bénéfice après l’achat du produit. Voir la réalité de la confection d’un produit leur a permis de découvrir le coté éthique de cette création. Les mini-entreprises promeuvent les valeurs du commerce équitable avec un travail et un salaire décent et les jeunes créaient les prototypes, mais ne les cousaient pas. Ils et elles n'avaient pas anticipé au début le temps d’une création habitué·es à acheter et recevoir directement le produit fini via les enseignes de fast-fashion. Ça leur a fait réaliser que parfois leurs propositions n’étaient pas possibles. Tous ces facteurs ont eu pour conséquence un report du projet pour l’année prochaine, mais les jeunes se sont rendu·es compte des réalités financières et temporelles que demandait un travail éthique », complètent Yousra Harigua et Yasmina Hosni.

Aujourd’hui, la création du réseau pour les femmes de Mokrisset avance. La commune de Molenbeek espère que petit à petit ces dernières vont réussir à avoir un réseau linéaire qui leur permettra de ne plus passer via eux. « On espère vraiment que petit à petit, ces femmes deviennent indépendantes et autonomes et qu’elles arrivent à développer une clientèle à l’international », terminent Yousra Harigua et Yasmina Hosni.