Collaboration entre Jette et Belfaa : une culture de la participation citoyenne et une jeunesse engagée
« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », dit un proverbe africain. La commune de Belfaa a intégré cette phrase et en a fait une force, en devenant un modèle en matière de participation citoyenne. La collaboration entre les communes de Jette et de Belfaa a commencé il y a plus de 8 ans. Depuis 2015, elles sont en effet partenaires au sein du programme de coopération internationale piloté par piloté Brulocalis (asbl au service des pouvoirs locaux de la Région de Bruxelles-Capitale). Cette collaboration se met en place notamment par l’élaboration de projets d’éducation à la citoyenneté mondiale, qui sont cofinancés par Wallonie Bruxelles International. De manière plus concrète, les deux communes travaillent par exemple, sur l’insertion sociale des nouveaux et nouvelles habitant·es de Belfaa venant de l’immigration, mais aussi sur l’inclusion des jeunes dans les projets menés en ayant recours au principe de la gouvernance participative. La Commune de Belfaa a par ailleurs reçu le « Label Commune citoyenne (LCC )», qui décerne à la collectivité une distinction qui récompense et valorise les efforts de la commune dans l’amélioration des pratiques de gouvernance, de consolidation de la démocratie et de renforcement de la citoyenneté. Le projet LCC a été pensé par l’Association Marocaine des Présidents des Conseils Communaux, avec l’Association Targa et avec l’appui de la Direction Générale des Collectivités Territoriales.
La collaboration entre Jette et Belfaa
Il est important de souligner la relation de confiance que les communes de Jette et de Belfaa ont développée. Elle leur permet de travailler et de communiquer ensemble dans le respect des attentes de chacun. Dans sa relation de co-construction avec la commune de Belfaa, elle fournit un cadre stratégique au Programme de coopération internationale communale (CIC). Elle apporte non seulement du soutien dans la concrétisation des projets, mais s’adapte aussi aux attentes qu’ont les jeunes de Belfaa envers eux. Afin de renforcer les compétences pour le service social et pour la société civile, Jette doit comprendre les enjeux, défis et opportunités qui sont propres à chaque projet que la commune de Belfaa souhaite mettre en place. Plus concrètement, la collaboration entre les deux communes a permis de réaliser des projets très attendus par la population de Belfaa comme la mise en place d’un centre d‘écoute pour les femmes victimes de violences, d’un centre de planification familial mais aussi d’équiper certains secteurs du centre d’accueil de jour pour les jeunes qui sont porteurs d’un handicap.
L’implication des jeunes grâce à la gouvernance participative
Cela fait maintenant plusieurs années que les jeunes de Belfaa s’impliquent dans les processus participatifs organisés par la commune ainsi que dans les projets issus de la collaboration entre Jette et Belfaa. Lors d’un forum ouvert destiné à comprendre la place que les jeunes souhaitaient prendre dans le développement de leur commune, la motivation de ce public est clairement apparue. Loin d’être désintéressée par les enjeux sociétaux actuels, la jeunesse de Belfaa est, au contraire, très engagée et c’est grâce à elle que des projets comme « Récolte de contes et légendes Amazigh auprès des personnes âgées de la commune », « Amélioration de la qualité de vie dans les quartiers du centre par des actions dans l’espace public » et « Promotion du sport dans les écoles primaires » ou « l’organisation d’un camp en ville pour les jeunes des différents villages » ont vu le jour. Ces projets avaient pour but de démontrer que la jeunesse était présente, impliquée et écoutée par la commune.
La démarche participative à Belfaa
« Il est aujourd’hui indispensable d’être plus proche des citoyens et de les considérer comme des acteurs à part entière du développement durable, en leur permettant de prendre des décisions, de réaliser et d’évaluer les projets qui leur semblent prioritaires », explique Lahoucine Azougagh, président de la commune de Belfaa. Soucieux d’engager la commune vers un développement plus équitable, le président a choisi d’orienter Belfaa vers une démocratie participative. Grâce à l’héritage de la culture amazigh, ce concept n’est pas inconnu des citoyen·nes. En effet, « Depuis l’Antiquité, le peuple Amazigh privilégie au quotidien l’approche participative et la culture Amazigh reflète à bien des égards les valeurs de solidarité et de fraternité. De nombreuses pratiques ancestrales trouvent aujourd’hui encore écho dans la vie quotidienne de la commune. C’est le cas du ‘tiwizi’ ou travail collectif effectué à tour de rôle au profit d’un individu, de l’irrigation ou des pâturages collectifs, des fêtes traditionnelles annuelles comme les ‘almougars’, ‘elmaarouf’ ou ‘idrnans’, mais aussi des ‘inflas’ (conseils de chefs de tribus) qui ont donné naissance aux conseils des zones », détaille Lahoucine Azougagh.
Toujours dans l’optique d’impliquer davantage les citoyen·nes, des conseils participatifs correspondant aux cinq zones du territoire communal de Belfaa sont nés. Ce sont des espaces de débat sur des questions de développement, facilitant la participation de la population dans toute sa diversité.
L’importance des projets d’intégration
Pour bien comprendre l’importance des projets d’intégration mis en place, il faut avant tout les recontextualiser. Voilà quelques années que la commune de Belfaa, située dans la plaine du Souss, accueille des migrant·es venus de différents pays de l’Afrique de l’Ouest. S’insérer dans un nouveau pays, au sein d’une nouvelle communauté est loin d’être une chose aisée. Il faut prendre en compte les nombreuses barrières existantes comme la langue et la culture. De plus, il faut aussi réussir à dépasser les représentations et les stéréotypes qui existent chez tout le monde. Dans cette optique, Belfaa a choisi de développer, au sein de son partenariat de coopération décentralisée avec Jette, un programme pour l’insertion sociale des personnes ayant migré en impliquant un maximum les citoyen·nes de sa commune et notamment les jeunes.
Pour mettre en place le projet, Belfaa a organisé plusieurs concertations entre des jeunes marocain·es et des migrant·es. Anne-Françoise Nicolay, coordinatrice du projet pour la commune de Jette, a notamment proposé de nouvelles méthodologies de travail participatif ainsi que des moments de réflexion aux jeunes pour s’assurer du bon déroulé du projet et pour que chacun·e puisse exprimer ses idées. Les différents ateliers de réflexion, et les animations et les classes mis en place ont permis d’instaurer un climat de confiance , où chacun·e pouvait prendre la parole dans le respect de l’autre.
Avoir recours à la participation citoyenne a porté ses fruits : « l’essentiel des actions était le fruit du travail de co-construction des jeunes », explique Anne-Françoise Nicolay.
Un salon multiculturel
Si la thématique de la multiculturalité n’a de prime abord pas séduit tout le monde dans la construction du projet, l’envie de construire un salon de création, comme lors de la première édition, a surpassé les appréhensions présentes. Les jeunes de Belfaa se sont en effet impliqués autour du projet « A la rencontre des nouveaux habitants », au point qu’au final, ils étaient plus de 40 pour assurer la bonne organisation du salon de création. Finalement les porteur·euses de ce projet ont décidé de créer un théâtre action, une exposition, un film, un spectacle musical et de réaliser une brochure de témoignages.
Dans la brochure des témoignages, le but était que les migrant·es subsaharien·nes parlent de leur parcours migratoire. Ces derniers ne souhaitent cependant pas s’attarder sur ce sujet, mais plutôt développer les problèmes rencontrés dans la commune comme par exemple le racisme sur le lieu de travail et dans les moyens de transport, mais aussi l’absence de soins de santé. Ces échanges enrichissants ont mis en lumière les problèmes vécus par ces nouveaux habitants, permettant une prise de conscience collective pour tous les participant·es.
Concernant le film, il a permis de mettre en lumière les préjugés émis à l’encontre de ces migrant·es, et surtout de les déconstruire. Il a été tourné, monté et sous-titré par les membres du groupe, malgré le fait que certains soient des débutants dans ce domaine. Afrikanya : musique fusion, qui signifie rythmes d’Afrique. Un groupe de musique composé des nouveaux et nouvelles habitant·es ainsi que de 3 jeunes musiciens marocains a vu le jour. Le show avait pour but de mélanger différentes cultures, et à travers des images projetées, de retracer le parcours des pays représentés à travers le concert.
Pour le théâtre-action, les membres ont construit eux-mêmes les dialogues à force d’échanges sur ce que chacun avait envie de produire. Certains des membres n’étaient encore jamais montés sur scène, la motivation et l’investissement démontré par les citoyen·nes et les migrant·es étaient exceptionnels.
Pour la réalisation de l’exposition, l’idée était de mettre en avant les artistes de la région, mais aussi de créer un espace où les nouveaux habitant·es pe pouvaient présenter leur culture. Le jour J, les visteur·ses ont pu admirer les œuvres de jeunes artistes de la région, des produits artisanaux, et ont pu en découvrir davantage la culture de ces nouveaux habitant·es à travers notamment des bijoux, des objets et des produits alimentaires.
Une communication à plusieurs niveaux
Pour que ce projet fonctionne et puisse voir le jour, tous les acteur·ices du projet n’ont cessé de se partager les informations. Mettre en place une communication horizontale a été la clé de la réussite de ce projet collectif. Que ce soit les citoyen·nes, les nouveaux et nouvelles habitant·es, ainsi que les élu·es et les coordinateur·rices du projet, tous se sont montrés transparent·es et se sont soutenus dans toutes les étapes visant à la création du salon.
De plus, aucune figure d’autorité n’a été imposée malgré la présence du vice-Président de la commune de Belfaa, durant toute la durée du projet. Une relation de confiance entre celui-ci et les jeunes s’est développée, et cet accompagnement très efficace a été plus qu’apprécié. « Nous avons essayé d’encourager les jeunes, de leur expliquer l’idée et de les soutenir dans la mise en œuvre sur le terrain. Cette superbe équipe, qui est déjà parvenue à concrétiser avec succès de beaux projets innovants, pouvait certainement relever ce nouveau défi ! », explique Saïd Lasri, vice-Président de Belfaa avec fierté.
Le succès prometteur du projet « Belfaa accueille l’Afrique »
L’évènement a été un vrai succès et a attiré énormément de visiteur·euses. En plus d’être nombreux, le public était aussi bien diversifié en âge qu’en origine. Motivé par la réussite du projet, les jeunes organisateur·rices ont choisi de continuer sur leur lancée. Ils et elles ont en effet organisé en janvier 2023 un nouveau forum ouvert pour développer de nouveaux projets visant l’insertion sociale des migrant·es. Ces nouveaux projets portés par les jeunes seraient la création d’une maison de la création multiculturelle et la réalisation d’une caravane de sensibilisation à l’interculturalité.
La commune de Belfaa représente un exemple en matière de participation citoyenne. C’est une vraie source d’inspiration de voir que les jeunes citoyen·nes veulent s’investir dans différents projets de manière collective, en se mobilisant de manière très sérieuse. Fédérer autant de personnes sur des projets nécessite une homogénéité des membres de l’équipe, qui une fois atteinte donne des résultats impressionnants comme le démontre le succès de l’évènement « Belfaa accueille l’Afrique ».