Partenariat entre la ville de Bruxelles et l’association Afak : visibiliser le « Droit à la Santé Mentale » au Maroc
La ville de Bruxelles organise depuis plusieurs années des projets autour du de la solidarité internationale. Souhaitant s’impliquer sur la thématique de la santé mentale, la Ville a organisé une mission d’identification au Maroc dans le but d’évaluer les besoins du secteur de la santé dans le pays. C’est en 2022 qu’un partenariat avec l’association Afak pour la Santé Mentale est mis en place à Casablanca au Maroc.
La Ville de Bruxelles possède une expertise particulière en termes de santé via son réseau d’hospitaliers et des différentes structures liées à la santé qui sont présentes sur le territoire de la Ville. Elle veille aussi à développer une politique de solidarité internationale liée à la diaspora étrangère à Bruxelles afin d’apporter un soutien international aux défis auxquels les citoyen•nes bruxellois•es sont confronté•es. Étant donné qu’il existe une importante diaspora marocaine en région bruxelloise et dans la commune, il leur était important de réaliser un projet au Maroc afin de respecter le souhait des associations et des citoyen·nes bruxellois·es. La Ville a donc consulté des expert•es, des consultant•es internationaux•ales et des ONG belges travaillant au Maroc afin d’identifier un besoin particulier du contexte marocain. C’est le secteur de la santé et plus particulièrement la santé mentale qui a retenu l’attention de la Ville de Bruxelles.
Afin de s’investir dans ce secteur des soins de santé, Bruxelles a identifié plusieurs structures de santé mentale, actives au Maroc. Après des recherches approfondies, c’est l’association Afak pour la santé mentale qui a retenu l’attention de la Ville grâce à son expertise dans le secteur qui est reconnue et appliquée via notamment la gestion depuis 2017 du centre médico-psycho-social de Casablanca. L’association est également reconnue grâce à l’expertise de ses administrateur•ices, qui jouit de la reconnaissance d’organisations internationales. Sa présidente, la docteur Nadia Moushtaq est entre autres régulièrement sollicitée par le ministère de la santé Marocain ou par des instances internationales pour participer à des tables rondes sur la santé mentale ou bien à des processus de consultation du secteur de la santé mentale au Maroc. C’est donc ensemble qu’iels ont créé le projet « Droit à la santé mentale ».
Un projet visant à visibiliser et déstigmatiser la santé mentale
Le centre médico-psycho-social de Casablanca a pour mission la prise en charge des patient•es après crise aigüe afin de les mettre sur le chemin de la réinsertion sociale, l’autonomie et le retour à une vie normale. L’idée derrière ce nouveau projet débutant en octobre 2022 était de renforcer cette structure déjà existante. Celle-ci fonctionnant principalement avec des bénévoles, elle avait du mal à se professionnaliser en termes de procédure. Ces réalités en termes de ressources humaines ne laissaient finalement que peu de temps disponible pour engager la discussion sur la stratégie à adopter pour permettre à la structure de se développer davantage. Nicolas Lieutenant, coordinateur du projet pour la Ville de Bruxelles détaille : « On voulait les renforcer en termes de ressources humaines disons sur le moyen terme, ce qui pourrait permettre ensuite de dégager du temps de travail pour penser à ces choses-là. D’autre part, on voulait leur permettre d’assurer vraiment le parcours qu’ils font avec les patients qu’ils prennent en charge ».
La structure n’est pas un centre d’hospitalisation, mais plutôt un centre de jour. Il s’occupe donc des patient·es en phase de convalescence, de récupération et de guérison. S’occuper de la santé mentale est un travail quotidien, avec des aspects médicaux précis. Nicolas Lieutenant précise : « Il y a d’une part des consultations psychiatriques, mais il y a aussi tous les aspects plutôt sociaux, l’habilité sociale, retrouver la confiance en soi, pouvoir se confronter aussi au regard des autres, c’est-à-dire essayer de pouvoir parler de sa maladie, et surtout placer le patient au cœur du processus de guérison. Ils n’avaient pas actuellement assez de moyens pour aussi effectuer toutes ces tâches qui constituent le trajet de guérison du patient ».
L’association Afak et la Ville de Bruxelles ont ensemble déterminé des objectifs très clairs pour le projet « améliorer la prise en charge des patients·es sollicitant les services de santé mentale », « permettre un approvisionnement régulier des services de la santé mentale en médicaments », « améliorer la performance organisationnelle d’AFAK pour la santé mentale ». De manière concrète, le partenariat a permis d’établir des fiches de documents stratégiques comme des fiches de poste, ou le règlement intérieur de la structure. Il a également permis de mettre en place des activités avec les patient·es. De plus, il était aussi important pour la ville de Bruxelles de visibiliser le centre au vu de son bon fonctionnement. « L’idée du troisième objectif, c’était que la santé mentale au Maroc à long terme puisse s’améliorer et disons être mieux financée. Comme la structure fonctionnait bien, l’idée c’était aussi de lui permettre de pouvoir parler de ses bonnes pratiques, parler de ce qu’elle fait au niveau national, mais aussi au niveau international, dans l’idée qu’ils puissent aussi peut-être décrocher des financements auprès d’autres bailleurs », explique Nicolas Lieutenant.
« On a notamment financé avec eux un nouveau site internet pour la structure, l’impression de brochures, un peu de capitalisation sur ce qu’ils ont fait, des formations pour le personnel en termes par exemple de plaidoyer pour essayer de les aider, de pouvoir un peu aller toquer aux différentes portes des institutions politiques marocaines, mais également d’institutions internationales », complète le coordinateur du projet pour la Ville de Bruxelles.
Un partenariat valorisant qui perdure
En dehors de l’aide financière apportée par la Ville de Bruxelles, ce partenariat est une réussite en matière de collaboration. Les informations ne sont pas descendantes, au contraire. La Ville de Bruxelles a laissé l’association aux commandes de manière générale, mais tout est discuté et validé entre les deux parties. « Nous sommes vraiment dans l’optique de la co-construction du projet, des idées, des changements etc », raconte Nicolas Lieutenant.
Le projet ne s’arrête pas là, une deuxième phase est en réflexion pour l’année 2024. La Ville de Bruxelles est également impliquée avec l’hôpital Saint-Pierre et plus spécifiquement son service de psychiatrie. Un processus de réflexion est engagé avec comme idée de travailler au niveau académique avec Casablanca dans le but de faire une collaboration entre eux. La santé mentale étant orientée pour réaliser de moins en moins d’hospitalisations et plus de suivi dans des centres de jour, la Ville cherche à contacter l’université de Casablanca pour essayer d’intégrer un partenariat entre ces différents acteurs au projet. « On discute ensemble entre les psychiatres de Saint-Pierre, la psychiatre responsable de l’association au Maroc et nous pour essayer de développer des synergies aussi avec l’hôpital Saint-Pierre dans la deuxième phase du projet », précise Nicolas Lieutenant.
De plus, dans cette seconde phase, le coordinateur du projet pour la Ville de Bruxelles, Nicolas Lieutenant explique que prévoir par exemple, des équipes mobiles fait sens étant donné que le Maroc est une zone de transit importante pour les migrant·es originaires d’Afrique subsaharienne.
En automne dernier, le Maroc a connu un tremblement de terre qui a ravagé des zones rurales. Réussir à déployer des équipes mobiles de santé pour aider serait un vrai plus pour ces personnes qui ont vécu des catastrophes traumatisantes. « Il y a donc beaucoup de personnes comme ça qui sont en détresse, parfois dans une détresse mentale assez grave, mais qui sont dans une situation où ils et elles sont illégaux et illégales et n’ont donc pas accès aux services de soins normaux. Des équipes mobiles peuvent ainsi se rendre dans les quartiers où se trouvent ces personnes », argumente Nicolas Lieutenant.
La Ville de Bruxelles a prévu de nouer des liens au niveau institutionnel avec les autorités communales et / ou régionales à Casablanca. Cela permettrait d’aider l’association Afak à « exercer un plaidoyer en interne au Maroc pour augmenter le financement public Marocain à la santé mentale et donc in fine au budget de fonctionnement d’AFAK pour la santé mentale », précise la fiche de projet réalisée par la Ville de Bruxelles.